Article extrait du dictionnaire de Dupiney de Vorepierre (Jean-François-Marie Bertet), édité en 1867
PYROTECHNIE. s. f.
Enc.— La Pyrotechnie est l’art de fabriquer des pièces d’artifice, c.-à-d. des compositions de substances inflammables, destinées, soit à la guerre, soit à produire des effets varies et agréables. Cet art se divise donc, selon son objet, en deux branches, savoir la p. civile et la p. militaire.
I. La Partie civile comprend les feux que l'on brûle sur les théâtres et dans les fêtes publiques. Les matières constituantes de toute pièce d'artifice sont, indépendamment de la poudre, les trois cléments dont celle-ci est formée, savoir : le soufre, le charbon et le nitre ou salpêtre. On ajoute toujours à la composition, quelle qu’elle soit, une certaine proportion de ce dernier, parce que c’est lui qui, en se décomposant, fournit l’oxygène indispensable pour que l'inflammation de la matière combustible puisse avoir lieu même dans des tubes très-étroits. On introduit encore dans le mélange diverses substances accessoires qui ont pour objet de rendre les feux plus animés et plus brillants, et d’en diversifier les couleurs.
- Le soufre brûle avec une flamme bleue, qui passe au blanc quand le nitre domine.
- Le charbon donne une couleur rouge jaunâtre, qui devient également blanche quand le nitre est en excès.
- La limaille de fer fournit de belles étincelles blanches, mêlées de rouge, qui s’étendent en formant des rayons brillants comme ceux du soleil;
- celle d’acier procure un feu encore plus éclatant avec des rayons ondulés ;
- celle de fonte forme des fleurs d’un blanc éclatant ;
- celle de cuivre produit une flamme verte,
- et celle de zinc une flamme d’un beau bleu.
- On obtient une belle couleur jaune avec le succin, la colophane et le sel marin.
- Le noir de fumée développe une coloration très-rouge avec la poudre, et une coloration rose dans les mélanges où le nitre domine : on l’emploie surtout pour faire les pluies d’or.
- Le mica lamelliforme donne des rayons de feu couleur jaune d’or.
- Le vert-de-gris produit un vert léger;
- le sulfate de cuivre, additionné de sel ammoniac, un vert-olive;
- l’azotate de strontiane, un rouge pourpre magnifique;
- l’oxalate de soude, un très-beau jaune;
- le sulfure d’arsenic un blanc très-éclatant ; l’azotate de baryte, un vert admirable.
- Le camphre donne une flamme très-blanche et des fumées aromatiques qui masquent la mauvaise odeur des autres substances.
- Enfin, le lycopode brûle avec une flamme rose et d’une grande longueur : on s’en sert surtout, sur les théâtres, à cause de sa grande inflammabilité, pour les éclairs et les torches.
Quand les mélanges sont terminés, on les introduit dans des cartouches ou cylindres de papier ou de carton, dont on a préalablement étranglé et lié l’extrémité inférieure. On remplit ces tubes par petites charges qu’on comprime fortement chaque fois au moyen d’une baguette afin de modérer la rapidité de la combustion. Le chargement achevé, on étrangle ordinairement l’extrémité supérieure du cylindre, afin d’augmenter la vitesse du jet de feu ; on ne laisse cette ouverture entièrement libre que lorsqu’on veut obtenir un feu lent et sans bruit. Enfin, on termine en plaçant l'amorce et l'étoupille. L’amorce n’est autre chose que de la poudre humectée : on en met une légère couche au-dessus de la charge. L’étoupille est une mèche de coton trempée dans une pâte faite avec de la poudre pulvérisée, de l’eau-de-vie et de la gomme arabique. Celte mèche est généralement enfermée dans une feuille de papier très mince que l’on enroule de manière à lui donner une forme conique. Les cartouches une fois terminés, sont désignés sous le nom générique de Fusées.
Voici quelques-unes des compositions dont on les remplit, quand leur diamètre n’excède pas 2 centimètres
- Feu commun : poudre à canon, 16 parties ; charbon, 3 p.
- Feu brillant : poudre, 16 p.; limaille d’acier, 4 ;
- Feu chinois : poudre, 46 p.; nitre, 8; soufre, 3; charbon, 3; limaille de fonte, 40 p.
Parmi les feux ou pièces d’artifice, les uns font simplement explosion, les autres brûlent en fusant, d’autres enfin réunissent ces deux effets. Au reste, les artificiers les divisent tous en trois classes, suivant qu’ils brûlent sur terre, ou dans l’air, ou sur l’eau.
- Les feux qui brûlent sur terre sont fixes ou mobiles.
- Les Soleils fixes sont composés d’un certain nombre de fusées, ou jets de feu, fixés et disposés circulairement comme les rayons d’une roue : toutes les fusées prennent feu à la fois au moyen de conduits garnis d’étoupilles.
- Les Gloires sont de grands soleils ordinairement formés de plusieurs rangs de fusées ; mais les ouvertures de celles-ci sont placées,de manière à produire des figures triangulaires ou étoilées.
- Les éventails sont des portions de soleil en forme de secteur de cercle.
- Les Mosaïques consistent en une file de poteaux espaces d’un mètre environ, et portant des fusées dont les jets se croisent quatre par quatre.
- Les Cascades s’obtiennent au moyen d’un grand nombre de fusées disposées horizontalement : elles imitent les nappes et les jets d’eau, et on les fait habituellement avec le feu chinois.
- Les Pluies d’or se produisent de la même manière, mais en donnant aux fusées une position presque verticale.
- Les étoiles fixes sont formées par des fusées horizontales, fermées aux deux bouts et percées, près de l’une des extrémités et sur le même plan, de cinq trous qui produisent cinq jets divergents.
- Les Lances sont des cartouches de papier de la grosseur du petit doigt, niais fort longs, que l’on remplit d’une composition à combustion très-lente et dont la flamme est souvent colorée. C’est avec des fusées de cette espèce que l’on représente les palais, les arcs de triomphe, les temples, et autres monuments d’architecture. A cet effet, on les fixe sur de légers châssis de bois, et on les fait communiquer au moyen de conduits à étoupilles pour qu’elles puissent prendre feu simultanément. Les parties sinueuses des monuments, ainsi que les inscriptions et les devises, sont obtenues au moyen de Cordes de cou- leurs, c.-à-d. avec des cordes peu tendues et trempées dans un mélange de nitre, de soufre, d’antimoine et de résine de genièvre.
- Les Flammes ou Feux du Bengale, qui sont si remarquables par leur éclat, se font avec : nitre, 7 p. ; soufre, 2, et antimoine, 1. On tasse la composition dans des écuelles de terre, et l'on jette plusieurs morceaux de mèche sur sa surface. C'est avec ces feux que l’on représente les embrasements sur les théâtres.
- Les Arbres s'obtiennent avec des flocons de coton imprégnés de vert-de-gris cristallisé, de sulfate de cuivre et de sel ammoniac, humectés d’alcool, cl fixés sur les branches d’un arbre artificiel.
Parmi les pièces mobiles,
- les Soleils tournants, ou Roues tournantes, sont celles que l’on rencontre le plus souvent dans les feux d'artifice. Ce sont des roues à la circonférence desquelles on fixe des fusées à différents effets de feu, et qui s’allument l’une après l’autre. Quand on enflamme leur première fusée, ils se mettent à tourner par suite du recul dû à la combustion de la charge.
- Les Roues guillochées sont deux soleils tournant en sens contraire sur le même axe les Ailes de moulin, au nombre de quatre, se composent de châssis chargés d'un grand nombre du fusées et tournant moitié dans un sens, moitié dans l'autre : tous ces feux se meuvent dans un plan vertical ;
- il en est d'autres, au contraire, tels que les Girandoles, les Caprices et les Spirales, qui tournent dans un sons horizontal. Du reste, les artificiers modifient de mille manières leurs effets en changeant l'arrangement et la couleur de leurs sujets de feu. Ils nomment pièces pyriques les feux dans lesquels des pièces fixes sont combinées avec des pièces mobiles.
- Nous citerons, comme ex., la figure à contours sinueux, appelée Salamandre, et dans laquelle un serpent lumineux semble poursuivre un papillon qui fuit devant lui. Quelquefois, au lieu d’allumer une pièce à la main, on lui communique le feu d’un endroit éloigné, au moyen d’un Dragon ou Courantin, c.-à-d. d’une fusée accolée à un cartouche vide dans lequel on enfile une cordelette ou un fil métallique tondu de la pièce au point d’où l'inflammation doit être communiquée. En allumant le dragon, il court le long do la corde, et, si on l'a muni d'une seconde fusée brûlant en sons contraire, il revient à son point de départ.
Les feux qui s'élèvent dans l’air forment une catégorie non moins intéressante; mais les artifices les plus importants de cette classe sont les Fusées volantes. Leur cartouche est semblable à celui des autres fusées, mais on le charge de manière à ménager, dans toute sa longueur, un vide conique, appelé âme de la fusée. Grâce à celte disposition, la charge prend feu instantanément, au moment du départ, dans presque toute son étendue. La pression des gaz élastiques qui se produisent alors, agit contre les parois de l’enveloppe d’une manière égale, dans tous les sens, de telle sorte que, l’une des extrémités de cette dernière étant ouverte et donnant issue à ces gaz, elle est entraînée dans le sens contraire. A cette force motrice s’ajoute la réaction des couches d’air situées à la partie postérieure des cartouches sur les gaz émis par l'orifice de celui-ci. La composition ordinaire des fusées volantes est, pour les diamètres inférieurs à 1 centim. 90 : nitre, 16p.; charbon, 7; soufre, 4. Pour les dimensions supérieures, on augmente la quantité de charbon. Les fusées sont en général munies latéralement d’une légère baguette de bois qui a pour objet de diriger leur vol. En outre, pour augmenter leur effet, on fixe à leur partie antérieure de petites pièces de nature très-diverse qu’on nomme Garnitures. Ces garnitures sont renfermées dans un tube de carton, appelé Pot, qui est un peu plus large que le corps de la fusée, et qui est couronné par un chapiteau conique. Les plus usitées,parmi ces sortes de petites pièces, sont les étoiles, les marrons, les serpenteaux, les pétards et les saxons.
- On appelle étoiles, de petits solides cubiques ou ronds, faits avec une composition imbibée d’eau-de-vie, et qui donnent des feux brillants diversement colorés ou se résolvent en pluie d’or ou en pluie d’argent.
- Les Marrons sont des boîtes rondes ou carrées, de carton ou de parchemin, pleines de poudre grenée, et bien ficelées pour qu’elles éclatent avec une forte explosion ;
- on les nomme Luisants quand ils sont entourés d'étoupes imprégnées de la composition des étoiles : ils brillent alors un instant avant d’éclater.
- Les Serpenteaux sont de petites fusées faites avec une ou deux cartes à jouer, et d’un calibre inférieur à 1 centim.; ce sont aussi des pièces explosives,
- ainsi que les Lardons et les Vétilles, qui n’en diffèrent qu’en ce que ceux-ci sont plus petits et ceux-là un peu plus grands.
- Les Pétards ne sont autre chose que de petits cartouches charges de poudre ordinaire et étranglés : ils brûlent également avec bruit.
- Les Saxons sont des pétards percés d’un ou deux trous à l’extrémité du même diamètre, ce qui les fait tournoyer en tous sens. Quelquefois, on remplace la garniture ordinaire par des Flammes à parachute : ce sont des compositions à éclat très-brillant qui se détachent de la fusée à un moment donné et se balancent dans l’air au moyen d’un petit parachute de soie.
- Les fusées désignées sous le nom de Chandelles romaines lancent successivement des étoiles en produisant de petites explosions.
- L’Artichaut est une fusée volante dont le cartouche est percé de quatre trous inférieurs et de quatre trous latéraux opposés : les jets qui s’échappent par les trous inférieurs font monter la pièce, tandis que ceux qui s’échappent par les trous latéraux la font tournoyer.
- Les Pots à feu sont de grosses fusées immobiles qui renferment, au-dessus d’une charge de poudre ordinaire, une grande quantité de petites fusées destinées à être lancées en l’air.
- Enfin, on appelle Girandes ou Bouquets ces grandes pièces qui terminent ordinairement les feux d’artifice, et dans lesquelles une multitude de jets s’élancent dans le ciel dans toutes les directions, et retombent ensuite en pluie de feu vers la terre. On obtient cet effet en distribuant, au sommet d’échafaudages, un grand nombre de caisses ouvertes par le haut et contenant chacune 140 fusées volantes : chacune de ces caisses communique avec ses voisines par des étoupilles, de façon qu’on les enflamme simultanément. Les girandes qui se tirent à Paris, à l’occasion des fêtes nationales, comprennent ordinairement plus de 130 000 fusées.
Quelquefois on adapte des pièces d’artifices aux ballons et aérostats. Comme ces pièces ne doivent prendre feu qu’à une certaine hauteur, on leur adapte un Retard, c.-à-d. une lance ou un cartouche à combustion très-lente. — Les artifices d'eau se préparent comme les autres; seulement on les soutient sur des disques ou autres pièces de bois, ou sur des cartouches creux. Ainsi, les Soleils d’eau sont des fusées attachées autour d’une sébile de bois; les Gerbes d’eau sont des fusées lestées et soutenues par une rondelle ; enfin, les Plongeons sont ces mêmes fusées à charges alternatives différentes, qui les font plonger et revenir sur l’eau.
II. La Partie militaire s'occupe de la fabrication de tous les artifices employés à la guerre pour éclairer, pour faire des signaux, pour incendier, etc. Nous allons passer en revue les principaux.
- Les Flambeaux dont de grosses torches qui servent à éclairer les armées dans les marches de nuit. Ils se composent de 80 brins de fil mal tordus, imbibés d'un mélange de résine, de cire jaune de suif. On consolide les fils par une ligature en hélice, et l’on recouvre celle-ci d'une peinture grossière
- Les Tourteaux sont des espèces de couronnes de 16 cent. de diamètre extérieur et de 3 cent, de grosseur,que l’on forme avec des bouts de mèche à canon que l’on a préalablement fait tremper dans un mélange de 20 p. de poix noire et 1 de suif, après quoi on les fait sécher, et ou les recouvre d’une composition de poix noire et de résine. Les tourteaux éclairent davantage que les flambeaux. On les brûle sur des réchauds portatifs, et on les emploie surtout pour éclairer le passage des rivières et des défilés.
- Les Fascines goudronnées sont de petits fagots de menus branchages bien secs, que l’on consolide par des liens de fil de fer et que l'on trempe dans la première composition indiquée pour les tourteaux. Leur intérieur présente un vide longitudinal afin de donner accès à l'air et d’activer la combustion. On les amorce en plongeant un de leurs bouts dans un mélange qu'on nomme Roche à feu, et qui est ainsi composé : suif,1; térébenthine, 1 ; colophane,3; soufre,4; salpêtre, 10,et antimoine, 1. Les fascines servent quelquefois à éclairer, mais on les emploie le plus souvent pour incendier, et, à cet effet, on les cloue sous les objets auxquels on veut mettre le feu.
- Les Balles à feu sont des sacs de coutil très-fort auxquels on donne une hauteur égale à une fois et demie leur diamètre, et qu’on remplit d’un mélange de nitre, 8 p.; de soufre, 2, et d’antimoine, 1. On les consolide en les entourant de fil de 1er, on les recouvre d’une couche de goudron, et on les perce de 4 trous dans lesquels on enfonce dos chevilles chargées et amorcées comme les fusées à bombe. Les balles à feu se lancent avec les mortiers. L’assiégé s’en sert pendant la nuit, pour éclairer les travaux de l’assiégeant. On y place habituellement un obus ou des grenades, afin de leur donner plus de poids et de portée, et d'empêcher l’ennemi de les éteindre en jetant de la terre dessus.
- Les Carcasses sont des balles à feu dont l’enveloppe est formée par une armature de fer plat, qui lui donne plus de consistance.
- Les Boulets incendiaires sont encore de petites balles à feu qu’on lance avec les canons et l’obusier. Ces deux dernières espèces d’artifices ne sont plus d’usage en France.
- Enfin, les Sacs à poudre et les Barils à poudre sont destinés à la défense des brèches. Les premiers sont des sacs de forte toile, remplis de poudre, goudronnés à l’extérieur, et amorcés avec une fusée à bombe; on les jette sur la brèche au moment où l’ennemi donne l’assaut. Les seconds sont des barils ordinaires remplis de poudre et munis d’une fusée à chaque fond; on les roule au bas des brèches, sur les colonnes de l’assaillant. Les Barils à éclairer ne sont autre chose que des barils à poudre vides, remplis de copeaux de bois bien secs et enduits de poix-résine. On les amorce avec des lances à feu fixées dans le fond, qui propagent le feu découché en couche. On s’en sert pour éclairer les points attaqués, et particulièrement les brèches.
Les Fusées volantes constituent l’artifice le plus important de la p. militaire. Il y en a de deux espèces, les fusées de signaux et les fusées de guerre ou fusées à la Congrève.
- Les Fusées de signaux se fabriquent comme les fusées ordinaires ou fusées de joie, dont elles ne diffèrent que par les dimensions. On varie, d’ailleurs, la couleur des étoiles et des flammes suivant la nature des communications que l’on veut faire.
- Les Fusées de guerre sont de grosses fusées volantes dont le cartouche est de tôle. En France, on en fait de 4 calibres : 54 millim., 68 millim., 9 centimètres et 12 centim., dont le poids est respectivement de 3 kil. et demi, 7 kil. et 18 kil. Ces fusées ont également un pot, mais le pot est de même diamètre que le cartouche. La partie inférieure de ce dernier est fermée par un disque aussi de tôle, qu’on appelle culot, et qui est percé d’un trou central pour recevoir la baguette directrice, et de cinq trous placés autour de celui-ci pour donner issue aux gaz. La baguette est de sapin, tantôt pleine, tantôt creuse. Enfin, on charge le cartouche avec 5 part, de nitre, 2 de charbon et 1 de soufre. Les fusées de guerre sont employées sur les champs de bataille, contre les hommes, ou, dans les attaques des places, pour incendier. Dans le premier cas, on place dans le pot un obus cylindro-sphérique rempli de balles de fusil dans les interstices desquelles on tasse de la poudre de chasse, et la partie antérieure de cet obus tient lieu de chapiteau. Dans le second cas, on charge le pot de roche à feu, et on le surmonte d’un chapiteau de tôle de forme conique qui est muni de trous pour le passage de la flamme. Les fusées de campagne se tirent au moyen de chevalets, qui portent ordinairement a leur partie supérieure une espèce de fourche que l’on peut incliner à volonté suivant la direction qu’on veut donner au tir.
Quant aux fusées de gros calibre, principalement destinées à la défense des places, on les lance avec des augets, longs de 6 à 9 mètres, que l’on place sur les parapets. Les fusées de guerre marchent avec une vitesse d’autant plus grande que leur calibre est plus fort ; mais elles diffèrent des autres projectiles en ce que leur vitesse initiale est très-faible, et que le point qui correspond au maximum est à une certaine distance de l’origine du mouvement. La vitesse maximum des fusées ne se développe qu’à 100 ou 200 mètres du point de départ. Les effets de ces artifices seraient toujours très-considérables, si l’on pouvait les diriger avec toute la précision nécessaire. Toutefois on a obtenu, au siège de Sébastopol, des portées de fusées incendiaires de plus de 7000 mètres et de fort belles directions. A la même époque, un projectile de ce genre perça le pont du vaisseau russe le Grand-Constantin, mais il n’y mit pas le feu parce qu’il s’était éteint. Pour prévenir le retour de cet accident, on munit aujourd’hui leur chapiteau d’une fusée à percussion. Nous avons dit que les fusées de guerre sont aussi appelées Fusées à la Congrève. Ce nom leur a été donné parce qu’elles ont été, non pas inventées, comme on le croit généralement, mais simplement réintroduites dans la partie militaire de l’Europe par le colonel anglais W. Congrève. Il est, en effet, démontré que leur usage a été connu de tout temps en Chine et dans l'Inde, et qu’il pénétra, au VIIe siècle de notre ère, chez les Grecs du Bas-Empire, et, au XIIIe, chez les Arabes, qui s'en servirent, les uns et les autres, pour lancer le feu grégeois, et peu après, chez les chrétiens occidentaux. Le plus ancien titre ou il en soit fait mention en Occident appartient à l’année 1379 : II nous apprend que les Padouans employèrent ces fusées contre la ville de Mestre. Les Italiens les appelaient rochete, mot que les Français traduisirent par rochette, et les Anglais par rocket.
Nos troupes paraissent en avoir fait usage, pour la première fois, en 1449, au siège de Pont-Audemer. Au reste, au moyen âge, ces fusées ne s'employaient guère que comme projectiles incendiaires. Cependant on s’en servait quelquefois dans les batailles afin d'effrayer les chevaux. Pour augmenter leur effet, dans ce dernier cas, il fut proposé, vers la fin du XVIe siècle, de les garnir de pétards ou de grenades, mais cette idée n’eut pas de suite. Bien plus, on finit par abandonner entièrement ces fusées à cause de l'incertitude de leur tir. Pendant que ces artifices disparaissaient en Europe, les Indiens continuaient à les employer. Ce furent, dit-on, les effets qu’en obtinrent les troupes de Tippoo-Saeb, sultan de Mysore, dans les guerres que ce prince soutint contre les Anglais, qui engagèrent W. Congrève, alors capitaine au service de la compagnie des Indes, à les réintroduire dans la paerie européenne. Toutefois cet officier ne s’occupa que très-tard de recherches à ce sujet, et lorsqu’il les commença, des essais du même genre avaient déjà été faits, en Russie, par le colonel français Prévôt (1788), et, en France, par l’artificier Torré (1775) et par le mécanicien Chevallier (1796-1798). Le colonel Congrève expérimenta ses fusées, en 1804, à l’arsenal de Woolwich. Elles furent employées, pour la première fois, en 1806, contre notre flottille de Boulogne, qui n’en éprouva que des dommages insignifiants, et, pour la seconde fois, en 1807, contre Copenhague, où elles produisirent d’assez grands résultats. Dès ce moment, les armées anglaises ont eu constamment avec elles un corps de Fuséens, et, après 1815, cette innovation a été successivement adoptée par les autres pays de l’Europe.
— Consultez : Ruggieri, Eléments de pyrotechnie (1821 ).—Rovichio de Peretsdorf , Traité de p. milit. (1824). - Vergnaud, Manuel de l’artificier. — Moritz-Meyer , Traité de Pyrotechnie (1844).
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