CRAPAUD - In dictionnaire de Vorepierre de 1867
CRAPAUD, s. m. (lat. crepare, craquer?). Genre de reptiles amphibies de l'ordre des Batraciens. Les coassements des crapauds. — Prov. et popul. Sauter comme un crapaud Faire le dispos lorsqu'on ne l'est guère. Être chargé d'argent comme un c. de plumes, N'avoir point d'argent, Fig. et fam., C'est un vilain c., se dit D'un petit homme fort laid. On dit dans le même sens, Être laid comme un crapaud || Petite bourse de soie dans laquelle les hommes enfermaient autrefois leurs cheveux par derrière. ||* Petit fauteuil très-bas dont on se sert pour s'asseoir au coin du feu. || T. Artill. Sorte d'affût de mortier, qui est plat et sans roues. || *T. Art vétér. Maladie du sabot du cheval qui est caractérisée par le suintement d'une humeur fétide sur les côtés de la fourchette, par le ramollissement de la corne, et par le développement de végétations cornées en forme de filaments.
Enc. — Le genre Crapaud (Bufo) appartient à l'ordre des Batraciens anoures, où il constitue le type d'une famille assez nombreuse, appelée Bufoniformes. Quoique les animaux qui composent cette famille présentent d'assez grandes analogies avec les Raniformes ou Grenouilles, et avec les Hylæformes ou Rainettes, il est cependant facile de les en distinguer. En effet, les Crapauds diffèrent essentiellement des Grenouilles en ce que leurs deux mâchoires sont dépourvues de dents, tandis qu'il en existe toujours chez celles-ci, au moins à la mâchoire supérieure. Quant aux Rainettes, elles se distinguent des Crapauds et des Grenouilles par leurs doigts que terminent à leurs extrémités des pelotes ou disques élargis, à l'aide desquels elles grimpent et se fixent sur les arbres.
Les Crapauds sont peu nageurs; on les trouve presque toujours à terre, souvent même assez loin des eaux. Ils marchent et courent plus qu'ils ne sautent. Pendant le jour, ils se tiennent dans des trous, sous des pierres ou dans des creux d'arbres; mais, la nuit, ils abandonnent leurs retraites pour faire la chasse aux petits Mollusques, aux Insectes et aux Vers dont ils se nourrissent. Ils sortent également à la suite des pluies chaudes d'été, et ils sont alors quelquefois si nombreux dans certains lieux qu'ils couvrent, pour ainsi dire, le sol. à l'époque des amours, qui a lieu en général au commencement du printemps, ces animaux se rapprochent des eaux. Ils font alors entendre un son plaintif et flûté, qui, dans certaines espèces, rappelle celui des Oiseaux de nuit. La femelle dépose ses œufs sous la forme de deux chapelets, qui, réunis bout à bout, ont quelquefois, suivant Bosc, plus de 10 mètres de longueur totale. Dix à douze jours après la ponte, les œufs doublent de volume. Les petits têtards naissent vers le vingtième jour, acquièrent leurs branchies deux ou trois jours après, et suivent les mêmes phases que ceux des Grenouilles. Les Crapauds paraissent vivre très-longtemps, et acquièrent parfois une très-grande taille.
Ces animaux sont des êtres absolument inoffensifs; cependant ils inspirent généralement une véritable aversion, ce qu'on ne peut attribuer qu'à leur aspect déplaisant. Quant à tout ce qu'on raconte de leur venin, de leur morsure, de la faculté qu'ils possèdent de charmer les animaux, il faut le reléguer au rang des fables. Bien loin de nuire et d'attaquer, ces Batraciens ne savent même pas se défendre, et deviennent la proie des Cigognes, des Serpents, etc. Lorsqu'ils se voient surpris, ils font suinter des verrues de leur peau une humeur laiteuse, qui n'est nullement un poison, et lancent, par l'anus, le contenu de leur vessie urinaire, lequel est également inoffensif. Enfin, ils profilent de la grande extensibilité de leur peau, qui est peu adhérente aux muscles, pour introduire entre elle et ces derniers une quantité suffisante d'air pour ballonner leur corps et le placer au milieu d'une épaisse couche de gaz qui le rend insensible aux chocs extérieurs. — Si, chez les Crapauds, la vie manque d'activité, elle est en revanche d'une extrême ténacité. Ces Reptiles, ayant une respiration fort peu active, et étant susceptibles d'hibernation, il est facile de comprendre qu'ils puissent vivre assez longtemps enfermés dans des espaces très-resserrés. Ainsi, par ex., on a emprisonné des Crapauds dans des blocs de plâtre clos de toutes parts, et on les a trouvés encore vivants 18 mois après; mais il a été constaté que, dans ces expériences, l'air arrivait encore jusque eux en passant à travers les pores du plâtre. Mais quand on avait soin d'empêcher le passage de l'air, la mort s'ensuivait au bout d'un temps assez court. Il faut donc se garder de prendre à la lettre les récits populaires au sujet de Crapauds qu'on aurait trouvés vivants au milieu de vieilles constructions ou de roches de formation très-ancienne. Ces récits sont le résultat d'observations superficielles et doivent leur naissance à la facilité qu'ont ces animaux de pouvoir se blottir dans les moindres failles. — Les prétendues pluies de Crapauds (lire ci-dessous) reconnaissent évidemment la même origine, c'est à dire des observations faites par des personnes qui sont étrangères à l'art d'observer. Le plus souvent, on s'est laissé imposer par la multitude de petits Batraciens qui, dans certaines localités, sortent du sol après une pluie d'orage. Il est encore possible que, dans quelques cas, rares d'ailleurs, une trombe enlève dans une mare et transporte au loin quelques-uns de ces animaux.
La famille des Bufoniformes comprend une cinquantaine d'espèces qu'on a réparties en 12 à 15 genres; mais nous n'en avons en Europe que deux, qui appartiennent au genre Bufo ou crapaud proprement dit. Les espèces de ce genre sont reconnaissables aux glandes, nommées à tort parotides, qu'elles ont au-dessus du cou, en arrière du tympan. Les mâles sont généralement pourvus d'une poche sous-gulaire, qui donne à leur voix son timbre caractéristique. Nous venons de dire que nous avions chez nous 2 espèces de Crapauds; ce sont le crapaud commun (B. vulgaris) et le crapaud vert (B. viridis). — Le crapaud commun est en général gris roussâtre ou gris brun, mais parfois olivâtre ou noirâtre. Il a les parties supérieures plus ou moins tuberculeuses, quelquefois même couvertes d'épines; les parotides bordées de brun inférieurement. Enfin, le mâle est dépourvu de vessie vocale, et son cri a quelque rapport avec l'aboiement d'un chien. Cette espèce s'approche assez souvent de nos habitations. Quelquefois même elle y pénètre et s'y établit. Pennant rapporte l'histoire d'un crapaud commun qui, s'étant réfugié sous un escalier, avait pris l'habitude de venir tous les soirs dans la salle à manger aussitôt qu'il y apercevait de la lumière. Il se laissait prendre et mettre sur une table, où on lui donnait des vers, des mouches et des cloportes. Il semblait même, par son attitude, demander qu'on le mît à sa place quand on tardait trop à s'occuper de lui. Cet animal vécut ainsi 36 ans, et mourut à la suite d'un accident. Les prétendues espèces désignées par les auteurs sous les noms de crapaud vulgaire, de crapaud cendré, de crapaud épineux, etc., ne sont que des variétés du crapaud commun. Le crapaud vert se distingue spécifiquement de l'espèce précédente par la présence sur chaque jambe d'une grosse glande semblable aux parotides. Il porte, en outre, une très-faible arête cutanée le long du bord interne du tarse, et a le dos marqué ou non d'une raie longitudinale jaune; il existe, chez le mâle, une vessie vocale sous-gulaire. Ce Gr. est blanchâtre, à taches tranchées d'un vert foncé, et remarquable par les changements de nuance de sa peau, selon qu'il veille ou qu'il dort, qu'il est à l'ombre ou au soleil. — Les autres genres de la famille des Bufoniformes sont étrangers à l'Europe, et offrent d'ailleurs peu d'intérêt. Nous nous contenterons de citer le g. Brachycéphale du Brésil et de la Guyane, remarquable par l'espèce de petit bouclier qu'il porte à la région dorsale, et le g. Dendrobate, qui se distingue par ses doigts lobés analogues à ceux des Rainettes. C'est à ce dernier qu'appartient la Rainette à tapirer. Le nom de cette espèce lui vient d'un préjugé bizarre répandu dans le nouveau monde. Les Américains croient que le sang de ce Batracien répandu sur les petites plaies produites sur les Perroquets verts par l'arrachement de leurs plumes, donne un nouveau plumage qui se forme un mélange de teintes rouges ou jaunes, et, par conséquent, que ce sang est propre à faire des Perroquets tapirés.
Les espèces européennes de Batraciens qu'on désigne sous le nom de crapaud accoucheur, crapaud brun,
crapaud éperonné, crapaud ponctué et crapaud sonnant appartiennent à la famille des Raniformes - Voy. Grenouille
Les pluies de crapauds - Article du 'Magasin pittoresque' de 1836
Les pluies de crapauds ont été longtemps reléguées dans la même catégorie que les pluies de pierres. Comme la science n'était pas en état de rendre compte du phénomène, elle le niait. Infaillible manière de maintenir son privilège de compétence universelle! Vainement des milliers de témoins affirmaient-ils avoir vu ces animaux tomber de l'atmosphère sous leurs yeux, en avoir reçu sur leurs figure, sur leurs chapeaux, ces témoins n'avaient pas mission d'observer, et il semblait que leur parole ne put avoir aucune valeur authentique. Mais enfin la clameur est devenue si grande qu'il n'a plus été possible de l'étouffer, ou de refuser de l'entendre. Le préjugé de la pluie de crapauds a donc à peu près reçu absolution: on n'ose plus nier la chose, mais il reste à éclaircir les circonstances, et à en étudier avec plus de soin le détail. Il parait bien difficile que les œufs puissent être transportés dans l'atmosphère, et y éclore; d'ailleurs, il pourrait se produire alors des pluies d'œufs, et c'est ce que l'on n'a jamais constaté. M. Ampère, qui regardait, sur la foi de tant de témoignages, le phénomène comme incontestable, en avait proposé à la Société des sciences naturelles une explication qui paraît assez plausible, et que des observations attentives, et sur la voie desquelles se trouvent les nombreuses personnes qui habitent la campagne, mettraient entièrement hors de doute. Ce savant avait remarqué, et c'est ce que tous les promeneurs ont pu remarquer aussi, qu'à une époque déterminée, c'est-à-dire quand les crapauds ou les grenouilles viennent de perdre leurs queues, ces animaux éprouvent le besoin d'abandonner le lieu de leur naissance, et se mettent en effet à courir d'une manière vagabonde, et par très grandes masses, dans la campagne. Durant ces promenades, il serait très possible qu'un de ces coups de vent violent qui accompagnent, les orages enlevât sur son passage une certaine quantité de ces faibles et légers animaux, pour les rejeter ensuite à un autre lieu plus ou moins éloigné. On aurait ainsi une explication fort simple d'un phénomène qui est de nature à embarrasser les zoologistes, et au sujet duquel on a imaginé une multitude d'hypothèses fort difficiles à admettre. Pour résoudre la question, et donner pleine raison à ceux qui s'en sont fait les soutiens, il suffirait d'être amené par un heureux hasard à observer l'effet d'un coup de vent violent, dans un endroit découvert, sur une de ces petites armées de grenouilles voyageuses. Ce serait encore une de ces choses merveilleuses dont l'explication deviendrait toute naturelle et toute simple.
M. Roulin, dans un travail très intéressant et rempli d'érudition sur les singularités de l'histoire des crapauds, a longuement insisté sur celle-ci, et réuni une foule de témoignages curieux qui la mettent hors de doute. L'antiquité, le moyen âge, les temps modernes en présentent également; mais, comme le remarque M. Roulin, il est sage de se mettre en garde, parce que rien n'est plus facile que de se tromper sur une pareille observation. On voit quelquefois paraître une multitude de petits crapauds à l'instant de la pluie, et dans un endroit où auparavant, il n'y en avait pas un seul, et l'on se trouve porté à conclure qu'ils y sont arrivés en même temps que la pluie; il n'en est rien cependant, et la pluie les a fait sortir des trous et des crevasses où ils s'étaient réfugiés pour se mettre à l'abri de la sécheresse. Il est donc tout-à-fait nécessaire, pour constater la réalité du fait, de voir ces animaux tomber directement de l'atmosphère.
Une discussion qui s'éleva à ce sujet, dans le cours de ces dernières années, à l'Académie des sciences, a été l'origine d'un assez grand nombre de dépositions faites par des témoins oculaires, qui jusque-là, n'en sachant point l'intérêt, avaient gardé leurs observations pour eux-mêmes. Il est remarquable de voir dans tous les cas ces pluies de crapauds accompagnées de pluies d'orage très violentes.
« Un orage s'avançait sur la petite ville de Ham dit un observateur, et j'en étudiais la marche menaçante, lorsque tout-à-coup la pluie tomba par torrents. Je vis aussitôt la place de la ville couverte de petits crapauds. étonné de leur apparition, je tendis la main, et je reçus le choc de plusieurs de ces animaux. La cour de la maison en était également remplie; je les voyais tomber sur un toit d'ardoise, et rebondir sur le pavé. Tous s'enfuirent par les ruisseaux qui s'étaient formés, et furent entraînés au dehors de la ville. Une demi-heure après la place en était débarrassée, sauf quelques traînards qui paraissaient froissés de leur chute. » — « A Jouy, au mois de juin 1833, dit un autre, un orage nous surprit, et je vis tomber du ciel des crapauds; j'en reçus sur mon parapluie; le sol était couvert d'une quantité prodigieuse de crapauds fort petits qui sautillaient. Les gouttes d'eau qui tombaient en même temps n'étaient guère plus nombreuses que les crapauds. » — En 1821, dans un village du département de la Meuse, un orage violent ayant éclaté pendant la nuit, on trouva le matin le sol de la rue couvert, de grenouilles et de crapauds; il n'y avait rien eu de semblable dans les villages voisins; mais un château du voisinage, dans les fossés duquel il y avait abondance de ces animaux, avait eu pendant la nuit ses fossés entièrement desséchés par un tourbillon, et ce fait paraît l'explication naturelle de ce qu'on avait observé dans la rue du village.
Si les animaux sont ainsi enlevés dans les régions supérieures de l'atmosphère par des coups de vent, cet accident doit être commun à d'autres qu'aux crapauds et aux grenouilles; et, en effet, on cite aussi des pluies de poissons. Dans l'été de 1820, les élèves du séminaire de Nantes, étant à la promenade, virent avec surprise à la suite d'un orage, pendant lequel ils s'étaient mis à l'abri, la surface de la campagne couverte, sur une étendue de quatre cents pas, d'une multitude de poissons d'un pouce de longueur environ, qui sautillaient sur l'herbe: il n'y a certes pas à dire, comme pour les crapauds, que ces animaux étaient venus là d'eux-mêmes. Dans l'Inde, sur les bords du Gange, on a observé, en 1854, un phénomène analogue, niais sur une plus grande échelle, car les poissons tombes sur le sol dans un espace de deux arpents, à la suite d'un ouragan, étaient du poids d'une livre. En Ecosse, dans le Kinross-Shire, il tomba une pluie de harengs. Enfin, on cite dans l'Amérique méridionale, dans un pays très marécageux, une pluie de sangsues. Voilà assez de faits pour convaincre les incrédules, et obliger ceux qui ne voudront pas croire à se tenir au moins sur leurs gardes, et à être prêts dans l'occasion à bien observer.
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Mon commentaire : je ne lis quasiment jamais les faits divers des journaux locaux, mais je n'ai pas l'impression que ces dernières années de tels phénomènes de pluie de crapauds (ou de poissons etc.) aient encore lieu.
Sans doute cela est dû à la raréfaction des ces animaux, du fait des diverses pollutions.
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