Images sans nom et sans copyright pour un dico sans sens

Un dictionnaire qui contiendrait 'la première réponse en images de tous les mots du dictionnaire', telle est la prétention de l'ouvrage Google volume 1 , élaboré par Félix Heyes et Benjamin West de King Zog. Il fait partie de la collection Follow me, Collecting Images Today (Suivez-moi, Collection d'Images d’Aujourd’hui)

En précision, il est indiqué (dans une phrase un peu obscure !) que 'l'univers singulier de chaque auteur est constitué d'images recherchées, trouvées, volées, soignées et agencées dans une vision inédite de la pratique de la collection de son exposition'. (le terme 'volées' est souligné par mes soins). Et plus loin est ajouté que 'le principe fondateur' est que 'les mots et leur définition disparaissent au profit de la première occurrence dans Google Images' .

'L'univers singulier de chaque auteur' est donc le fait de quelqu'un qui a passé son temps à taper chacun des 21 110 mots de l'Oxford English Pocket Dictionnary, de copier la première image affichée dans Google Images, puis de la placer en bande dans cet ouvrage, sans autre attribut de mise en page.

Par ailleurs aucune indication sur l'origine des images... Il semble bien qu'il s'agit bien de Vol de copyright, comme revendiqué par les auteurs ! Mais il faut souligner qu'en dernière page, 'les auteurs remercient les nombreux contributeurs dont les images ont été choisies pour apparaître dans le livre'. Auraient-ils contacté les dizaines de milliers de propriétaires des droits ? J'en doute.
Comme les images publiées correspondent à des mots en anglais, ce sont donc très très majoritairement les photographes, graphistes, illustrateurs et les sites anglo-saxons dont les droits auraient été spoliés. C'est c'est aspect qui m'a fait acquérir cet ouvrage pour mieux en connaître les dérives, dont je ne vous propose aucune reproduction puisque l'éditeur spécifie que :
'toute reproduction même fragmentaire non expressément autorisée constitue une contrefaçon passable des sanctions prévues par la loi sur les droits d'auteurs'.
Vous pouvez avoir un aperçu sur le site de l'éditeur de cet ouvrage vendu 95 euros.
Si l'éditeur a obtenu l'autorisation de publier chacune des illustrations, son avertissement légal est cohérent. Dans le cas contraire, la logique aurait été qu'il autorise toute reproduction (et alors pourrait s'ouvrir une discussion sur l'accès et l'utilisation libre et gratuite de tout ce qui est publié sur le web...).

Sur le fond, comme le relève Le Monde dans un article de Frédéric Joignot, citant le linguiste Alain Rey : 'c'est un pur gadget''.
(lire Dico d'icônes).

L'analyse de la démarche montre très vite les limites de l’exercice : prétendre résumer le sens d'un mot par la première image affichée dans Google Image n'a souvent que fort peu de sens. Ainsi par exemple on se retrouve avec 4 ou 5 fois avec le portrait d'Obama (pour quels termes ???) et pour bush (buisson) est affiché, évidemment Georges Bush ...
Et d'autre part c'est méconnaître volontairement que la plupart des mots possèdent plusieurs sens selon leur contexte.
Dans leur réponse en image, on ne sait lequel correspond. Le terme pilote est un bon exemple avec tous les sens qu'il peut avoir...

Pour mieux démontrer l'inanité de la démarche j'ai utilisé Google Images sur ma propre production (il n'était pas question de publier ici des images ne m'appartenant pas). Voici donc ci-dessous quelques résultats puisés dans environ 4500 photos (sur autant de pages) que j'ai publié à ce jour sur mes différents sites, sachant que ces résultats n'ont bien sûr rien à voir par rapport à une recherche sur plusieurs centaine de millions d'images.
Les recherches dans Google Images sont donc sous la forme "Norbert Pousseur" abandon (les guillemets pour sélectionner tout ce que j'ai signé de mon nom, plus le terme, ici abandon). Les résultats correspondent à ceux de janvier 2014. Par la suite ceux-ci peuvent changer (au gré des indexations de Google).

La première image proposée sur le mur de Google image est quelquefois pertinente, mais la plupart du temps beaucoup moins car cela est le résultat de procédures très complexes d'indexation par Google qui place en premier le résultat qui a le meilleur rang par un mélange :
- de popularité - le plus consulté,
- de popularité - celui provenant de la page qui a le plus de lien vers elle,
- de meilleur acheteur de mots-clef (qui peuvent n'avoir rien à voir avec celui qui est recherché),
- ou d'efficacité du code des pages ...
- ...
Chaque jour des millions de photographies sont ajoutées de par le monde et les procédures d'indexation des moteurs de recherches sont sans cesse affinées ce qui fait que les résultats ne sont jamais les mêmes...
Ainsi durant toute une année, en 2012, une de mes photos de cette mini-série 'photographie de la semaine' est restée en première place pour cette recherche (photographie de la semaine). Elle est à présent reléguée dans une page très lointaine, suite à un changement des règles d'indexation de Google !

Vous trouverez donc ci-dessous quelques exemples de ces recherches images sur Google.
A noter qu'une recherche d'un ou plusieurs termes ne met pas au même rang une page dans les résultats Web et ses propres illustrations dans les résultats Images.
Ainsi, pour reprendre l'exemple cité ci-dessus, la recherche dans google 'photographie de la semaine' (sans guillemets) affiche sur les résultats Web mon site vers la troisième place, alors que la première image correspondant sur les résultats Images, se retrouve vers la centième place.

Au-delà des critiques, l'idée en elle-même était intéressante, mais sans doute mal exploitée.
Il aurait fallut, me semble-t-il, au moins voir au bas de chaque page les termes ainsi illustrés par ce piochage dans Google image. Sociologiquement et artistiquement il n'est pas inintéressant de voir ce que remonte un moteur de recherche universel, tel que Google, à un instant T. Malheureusement le fait que tous les mots soient mis en vrac à la fin du volume (sans table) empêche quasiment de savoir quel image illustre quel terme.
En ce qui concerne les droits d'auteur, il y a une réelle impossibilité de contacter plus de 50.000 personnes (en tenant compte des refus ou des non-réponses) pour recevoir l'autorisation de publier les vignettes affichées par Google. En respectant la législation, ce livre était impubliable. Fallait-il le publier ?

Remarque : pour les problèmes de droits d'auteurs liés à l'image,
voir le Blolg Droit et Photographie de Joëlle Verbrugge,
photographe et avocate pratiquant le droit de la propriété intellectuelle.

Photo de la semaine 3 de l'année 2014